Mes Ennemis

Ce n'est, certes pas vous! ô soldats étrangers!
Que séparent les monts, les forêts ou les fleuves,
Vous qui fraternisez dans les mêmes épreuves,
Laissant derrière vous orphelins, parents, veuves...
Lorsque vous succombez après d'affreux dangers!

Pendant que nos tyrans convoitent des lambeaux,
Dans l'Etat de la Mort il n'est nulles frontières...
Nous gisons, côte à côte, aux mêmes cimetières,
Après avoir lutté pendant des nuits entières
Pour conquérir la Paix au fond de nos tombeaux!

Mes ennemis? c'est vous! gouvernants timorés,
Qui prenez sans péril une pose de gloire,
Et, dans cette moisson sanglante de l'Histoire,
Ne songez qu'à vous seuls en parlant de victoire
O vous, dont les vertus sont des vices dorés!

Vous qui poussez au meurtre et nous assassinez!
--Hypocrites dévôts au coeur de frénésie!
Je voudrais démasquer toutes vos hérésies
Et faire palpiter--parmi mes poésies--
La vengeance de ceux que vous avez damnés!

 

7-9 Février 1916 (au front)