Paul Vaillant-Couturier

Paul Vaillant-Couturier (1892-1937) est poète, romancier, dramaturge, musicien, peintre et avocat de son métier Il ne s'oppose activement à la guerre qu'en 1917, au moment où ses propres expériences de combat, augmentées par le succès des révolutionnaires russes, font avancer l'évolution de son engagement politique socialiste. Ses Lettres à mes amis 1918-1919, publiées en 1920, racontent le développement de ses idées sur la guerre et la révolution, thèmes dont l'absence se remarque dans XIII Danses macabres, sa collection de poèmes qui paraît la même année, dans laquelle figure le poème ci-dessous. Après la guerre, Vaillant-Couturier adhère au Parti communiste, et devient rédacteur de son organe officiel, L'Humanité. Il est également élu député de Paris, gagnant ainsi une réputation considérable comme orateur.

O

Inexorablement, comme les feuilles glissent
dans la fatalité d'octobre
tous ceux qu'on a connus, chacun leur tour, périssent
avec un rythme sobre.

C'est la frise obsédante, où chaque jour t'enchaîne,
des nouvelles danses macabres,
affolement des derniers jours de vie certaine
chez l'être qui se cabre.

Tes amis ont chacun leur tour aux champs livides
vidé leurs veines et sont pâles
et ton coeur aussi, va, de beauté se vide
toi qui survis aux balles;

l'incendie a brûlé la saine et douce estime
que tu te gardais; tristes heures
où l'on se cherche en vain dans la honte et le crime,
dont, malgré tout, on pleure.

Et le cadran fatal tourne comme une roue......
la mort a fait sa victime
un tertre gris ou bien une bosse de boue
dans un sol anonyme......

Avec laideur finit ainsi la triste vie
dans la craie ou la glaise d'ocre
sous le ciel bas, pendant la danse indéfinie,
pour l'idéal médiocre.