Jeanne Landre

Loin des balles, mémoires d’un philanthrope (extrait).  Paris: Albin Michel, 1918.

Il n’est pas un recoin de notre sentimentalité que nous n’ayons mis au service des combattants. Un époux pourrait vivre pendant des années près de nous sans nous approfondir comme l’ont fait nos amis inconnus.

Le voilà désormais le prisonnier de sa chimère, agrippé par les griffes du monstre. Il n’est pas Lui, il est Elle. C’est elle qui fait la guerre, c’est avec elle, pour elle, par elle qu’il obéit, qu’il lance sa grenade, qu’il va à la baïonnette. Si elle flanche, il est perdu.

Que Monsieur m’examine: je suis, depuis ce matin, une femme de la nouvelle couche, éclairée, émancipée, consciente…J’aurai le droit de voter demain, car je viens de prendre une décision extraordinaire: je quitte Monsieur.

“Elles aspirent, non plus à l’émancipation, mais à l’esclavage. Après avoir brandi l’étendard de la révolte, elles rêvent de l’utiliser pour le nettoyage des chaussures d’un maître.”

“Moi, je resterai à la maison, parce que j’espère avoir un mari qui pensera, qui travaillera, qui votera pour moi.”

L’École des marraines (extrait).  Paris: Albin Michel, 1917.

Dites: Il a fallu une haute intelligence à l’industriel ayant risqué ses capitaux pendant la guerre pour gagner les modestes sommes grâce auxquelles il a pu soutenir l’emprunt national … Cristi, c’était le bon temps, la guerre! Si elle avait seulement duré six mois de plus, j’arrondissais à cinq millions là de mes garnements. 

…puis il mourut (extrait).  Paris: La Renaissance du livre, 1916.

On September 25, 1915, the French launched major offensives in Champagne and Artois.

"…comme une immense sottise dont il se réhabiliterait volontiers par le sacrifice de sa peau.”

“Alors, n’ai-je pas le droit de vous serrer la main, puisque si je ne me bats pas, ce n’est point parce que l’envie me manque, mais simplement parce que les lois sont mal faites.”

“…je ne vous connais pas, et cependant je sais que vous êtes jeune, héroïque et que vous adorez la France.”

“…l’amie maternelle et amoureuse que chaque homme espère.”

La guerre finie, il serait reparti “vagabonder” sans même avoir vu l’épistolière, car tout ce qu’il exigeait d’elle c’était de personnifier à distance ses rêves, ses désirs, d’écouter la grande tendresse qui se lamentait en lui, de la prendre pour elle, d’y répondre selon son coeur, son tempérament et ses moyens d’extériorisation.

Ce qu’il voulait, c’était l’illusion de l’amour, de l’amour venant à lui, tout simplement, tout naïvement; ce dont il avait le plus faim, ce n’était point de belles périodes bien agencées qui défilent comme un bataillon en temps de paix, mais de l’expression de l’esprit de son amie, de l’instant de son émotion, des mots qui lui venaient au cœur ou au cerveau au moment où elle pensait à lui, à lui qui lui écrivait du lieu où les conventions sont mortes, où l’on peut tout oser, puisque les audaces, même excessives, n’entraînent rien.