Camille Mayran

Histoire de Gotton Connixloo (extrait). Paris: Plon-Nourrit, 1918.

La tragique secousse qui ébranlait toutes les âmes avait résonné pour elle comme la trompette du Jugement. Il lui semblait que la fin du monde allait arriver et elle se voyait avec épouvante enchaînée hors de la chrétienté dans les liens d’un amour coupable.

Son désir d’être mère lui avait fait comprendre ce que peut être l’amour des parents pour leurs petits. Il lui semblait inévitable que cet amour finit par être le plus fort, et par vaincre, dans le coeur paternel, l’amour de la femme. 

Je les aimerais, eux me détesteraient peut-être: ils auraient bien raison. J’en mourrais de honte et de chagrin. Toi, maintenant, tu dois vivre pour eux; tu dois te marier: il faut qu’ils aient une mère, et que ce ne soit pas une indigne comme moi.

L’Oubliée (extrait).  Paris: Plon-Nourrit, 1918.

Tout leur est machine. Eux-mêmes fonctionnent comme des pièces d’une machine énorme. Le plus étonnant, c’est que, pris en particulier, souvent les soldats ne sont pas méchants. Mais ils font partie de la machine, et cela rend tout possible.

Quand nous sommes seuls ensemble, et que la pensée de notre commune misère et faiblesse m’accable, je prends sa petite tête entre mes mains, et je sens alors que cette pauvre petite miette d’amour dont nous faisons notre nourriture, lui et moi qui avons tout perdu, suffit à nous tenir en vie, mêlés à l’immense communion des êtres qui s’aiment. Pour un coeur qui s’est cru retranché du milieu des vivants, c’est une résurrection.