Mme Yves Pascal

Noune et la Guerre (extrait). Paris: Edition Française illustrée, 1918.

Et puis une fierté naît en cette petite femme de se sentir là, tout prête, si brave, attendant les Boches. Elle pense, pitoyable, aux autres femmes qui doivent dormir, ou pleurer inutilement.

…Oh! Bien sûr, elle ne pourra pas faire grand’chose, Noune, n’est-ce pas? Mais enfin, elle se défendra! Et puis, s’ils passent dans la rue, elle tirera dessus, c’est entendu! 

“Se pourrait-il qu’elle, Noune, petite femme inutile, certaine de sa non-valeur, fût mise au monde uniquement pour donner de la vie à son tour?”

…je leur dirais: “Écoutez, vous, les gars, vous avez des femmes, des mamans, des gosses? Nous aussi. Eh bien, pourquoi se bat-on? Pour faire plaisir à des salauds qui sont à l’abri, et pour faire pleurer vos femmes, vos mamans et vos gosses? ...Ne vous battez plus, venez avec moi, devenez les amis de tous les peuples, et unissons-nous pour casser la figure aux tyrans, aux empereurs, aux rois, aux ministres! …Tous des frères; voilà ce qu’il faut être.”

Oui, bien sûr, dans le peuple, c’est comme ça: on a “un homme,” et puis, c’est pour toujours. On est à lui, et il est à vous; alors on le garde, sans bras ni jambes, si la vie — se croyant généreuse — consent à vous le rendre un jour, du même geste qu’un gosse riche donne à un gosse pauvre le jouet qu’il vient de casser. Et l’on est ravi, et l’on joint les mains, et l’on dit merci. On vous le rend; tant pis s’il est abîmé: c’est “votre homme.”