Isabelle Sandy

Chantal Daunoy (extrait). Paris: Plon-Nourrit, 1917.

Il y a par le monde un tel courant de vie, que pareil à un flot irrésistible il emporte les décombres entassés par la destruction humaine….

Tout ce que la guerre vous a appris et imposé comme des vérités personnelles, révélez-le à vos semblables. Parmi ceux de notre race, il en est que la guerre n’a pas suffisamment changés; chez eux la rédemption n’est que commencée; si nul ne les invite à cheminer plus loin, ils s’arrêteront et s’endurciront dans les erreurs premières. Leurs âmes puériles resteront encombrées de vains soucis, oublieuses de ce qui doit être notre unique pensée: la régénération de toute une race.

Portée par le sang des morts, cette race a atteint un étiage élevé: il faut l’y maintenir.

…De tous les coins de la France de bons ouvriers vont se lever. Nous serons parmi eux!

Comme le geste du semeur notre geste s’élargira jusqu’à l’infini! Il faut le faire, ce geste! Il le faut!

Elle songeait que son amour pour cet homme blessé sur les champs de bataille dépassait tout ce que sa fervente jeunesse s’était plu à imaginer; il lui était donné d’aimer en un seul, et l’homme élu, et la France souffrante; en chérissant l’un, elle berçait la glorieuse misère de l’autre; en aimant, elle pansait et guérissait. Quel noble et magnifique destin!

Aujourd’hui les valeurs sont renversées, l’aventure d’un seul, si elle ne se rattache pas à celle que vit le monde n’a pas de prise sur les sensibilités. L’individu lui-même consent à ne pas s’attarder sur les divers changements que le destin peut opérer dans sa vie. Peut-être l’individualisme, qui trop longtemps désagrégea le bloc de la race française, sera-t-il fort atténué par la guerre. Les Français luttent, souffrent, espèrent ensemble. Ils ont des terrains d’entente: ils s’agglomèrent. L’envahisseur n’avait pas prévu cela.