Colette Yver

Mirabelle de Pampelune (extrait). Paris: Calmann-Lévy, 1917.

“Je le trouve très gentil. Mais c’est si ordinaire d’épouser un vendeur! J’aurais aimé un jeune homme qui eût fait quelque chose de grand, un mari dont j’aurais été fière: un aviateur par exemple. ”

“C’est comme moi, ” dit Louise. “Mais que veux-tu? A la triste époque où nous vivons, il n’y a plus d’héroïsme. Les hommes tiennent avant tout à leur guenille. Leur idéal, c’est de rapporter le dimanche un poisson plus gros que celui du voisin ou d’aller faire la manille à l’apéritif.”

Pour moi, j’ai pensé plusieurs fois qu’Henri pourrait revenir mutilé. Ne craignez point qu’alors j’aie à me contraindre pour ne pas m’enfuir comme une sotte. Non, non, trop heureuse s’il revient, fût-ce un bras, un œil, ou une jambe en moins!

Aujourd’hui comme hier je retrouve chez les femmes la même noblesse, la même vaillance, la même idée de l’honneur. Chez les hommes, l’indomptable courage et l’abnégation au profit de la gloire du pays. Quelle harmonie entre les siècles! Malgré les vicissitudes, les évolutions, les transformations, la France est une et toujours semblable à soi. Telle elle était il y sept cents ans, sous le manteau blanc de la chevalerie, telle je la retrouve aujourd’hui, le visage plus grave, un peu assombrie par les méditations de la science, environnée des fumées de l’industrie, des chemins de fer et des paquebots, mais ornée de la même flamme, de la même jeunesse et du même attrait qui séduit le monde, et trouble jusqu’à ses barbares ennemis.